Prix Littéraire de l'Imaginaire Booksphere - Édition 2023



Une belle surprise !

Par Redbluemoon

Le 8/09/2022 à 19:12

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J’ai lu D’or et d’oreillers dans le cadre du Plib 2022 ! Je dois dire que c’était LE livre qui ne m’enthousiasmait pas dans la sélection des finalistes : le résumé ne m’attirait pas, comme la couverture. Quant au titre, je le trouvais très beau mais il me semblait raconter une histoire qui n’était pas faite pour moi. Règles du Plib obligent, j’ai trouvé un exemplaire de ce roman et je l’ai lu !

Et, encore une fois, je me suis trompée ! D’or et d’oreillers n’était pas du tout le livre auquel je m’attendais et je suis vraiment contente de l’avoir découvert grâce au prix ! Déjà, je pensais que le roman était à destination d’un public jeune, très jeune, et … alors, non, pas du tout ! Sur le site de l’éditeur, il est destiné aux 13 ans et + : ayant des élèves de cet âge, je pense que seuls les enfants de 13 ans matures pourront comprendre/apprécier ce livre. Rien n’est dit explicitement, rien n’est décrit, c’est plutôt subtil, mais cela reste tout à fait compréhensible. En effet, ce n’est pas une histoire d’amour comme les autres au sens où ce n’est pas une histoire aseptisée qui ne traite pas du tout de la réalité du désir, des corps et des sentiments. Lord Handerson demande aux jeunes filles qui veulent l’épouser de passer une nuit dans sa maison sans chaperon : évidemment, les prétendantes sont scandalisées parce qu’elles imaginent toutes sortes de choses. Rien que la dernière phrase du synopsis suffit à comprendre que le roman va traiter de sexualité à un moment donné. J’ai aimé cet aspect parce qu’il était bien amené même si SPOILER 1. J’ai également apprécié un autre aspect qui est spoilé sur Livraddict mais pas dans le résumé de mon édition : SPOILER 2 

Comme le laisse entendre le résumé, ce roman est une forme de réécriture de conte tout en ne réécrivant aucun conte précis. J’ai donc adoré la myriade de références : « Barbe bleue », « La Princesse au petit pois », Alice au pays des merveilles, mais aussi quelques mythes comme celui de Midas et, SPOILER 3 Il existe aussi une forme de magie totalement inexpliquée, mais, en un sens, assez poétique qui m’a séduite. SPOILER 4 

Concernant les personnages, je ne veux pas trop en dire, histoire de ne rien révéler de l’intrigue, mais j’ai fini par m’attacher à certains d’entre eux : SPOILER 5 

J’en arrive donc à la fin du roman : je l’ai trouvé à la fois active et émouvante. Active parce que tout se résout – et, ce, de manière efficace et non abrupte, ce que j’ai apprécié – ; émouvante parce que SPOILER 6 

En fin de compte, le seul défaut que je peux trouver à ce livre, c’est mon manque d’implication au début : j’ai, effectivement, eu un peu de mal à entrer, malgré l’écriture fluide et agréable, les touches d’humour et le vernis hypocrite que l’on trouve chez à peu près tous les personnages nobles. Ce sont ces éléments qui m’ont accrochée suffisamment pour poursuivre – et comme j’ai bien fait ! 

 

Donc, un très bon roman que j’ai trouvé à la fois drôle, émouvant et même délicieux avec toutes ses références qui m’ont ravie ! 

 

SPOILER 1 il reste un peu gênant qu’Adrian glisse un doigt dans le lit des jeunes filles contre leur gré ^^’ J’ai également apprécié que l’on traite ici de l’exploration du corps, de la masturbation et de la lenteur de deux êtres qui se découvrent aussi bien physiquement qu’au niveau de la personnalité. Ce n’est pas un amour soudain, né de nulle part. C’est un amour qui point, qui grandit, qui s’affirme peu à peu pour bien conclure le roman.

SPOILER 2 le « déplacement » de l’héroïne. Contrairement à ce à quoi on pouvait s’attendre, ce n’est pas une jeune noble gracile et fragile qui va gagner la main du « prince », mais une jeune femme de chambre. Je m’attendais, peut-être bêtement, à ce que ce soit May qui l’emporte sur ses sœurs – et je me demandais d’ailleurs comment le roman allait se poursuivre après la première nuit -, donc j’ai été surprise quand c’est Sadima qui est parvenue à triompher de la première épreuve. Je suppose que le roman était construit de telle sorte à amener peu à peu le lecteur vers elle et que sa mise en avant était censée être une surprise : ça a fonctionné pour moi parce que je n’avais pas lu le résumé sur Livraddict ! J’ai trouvé ce glissement vers la jeune femme ingénieux et plutôt original, même si le fait d’unir « prince » et « bergère » ne l’est pas forcément parce qu’il est souvent utilisé maintenant. C’était donc un bon moyen de « renouveler » un trope souvent employé : Sadima passe de l’ombre à la lumière à la fois dans la narration et dans l’histoire.

SPOILER 3 énorme plus pour moi qui adore ce roman, Frankenstein ! En effet, le bouquin frise parfois l’horreur puisque la mère d’Adrian a le pouvoir de se démembrer et a fusionné avec Blenkinsop Castle, faisant du bâtiment une formidable maison-personnage ! Quelle surprise et quelle joie de constater l’existence de ce trope dans cette œuvre ! 

SPOILER 4 Je parle ici de la magie de Sadima, pas de celle de lady Handerson ! 

SPOILER 5 Sadima, évidemment, parce qu’elle est combattive, déterminée et qu’elle ne ressemble en rien aux portraits dressés des jeunes filles qu’elle servait – des gamines (faussement) éthérées qui cachent des personnalités inintéressantes au possible sous des airs ridicules pour impressionner des partis qui ne se bousculent pas aux portillons – (excepté May que j’appréciais) ou celles qui se présentent à Adrian avec des montagnes de richesse derrière elles – je pense notamment à Zephis dont le père se couvre de ridicule face au lord en voulant vendre sa progéniture comme on vendrait du poisson au marché ^^’ ; Adrian, qui souffre de la situation dans laquelle il se trouve, qui voudrait désespérément sauver sa mère tout en rêvant à une autre vie impossible enfermé dans son château ; Philip, majordome dévoué à son jeune lord, le seul qui est resté quand tous les autres se sont enfuis après avoir assisté à une manifestation paranormale dans la maison ; Rose, adorable maman de Sadima prête à tout pour aider/sauver sa fille, ce que j’ai trouvé très touchant. Lady Handerson est, en fin de compte, elle aussi, émouvante : elle n’a fait tout cela que pour demeurer près de son fils, pour le protéger au mieux, même si cela signifie l’enfermer à jamais en elle.

SPOILER 6 comme nous l’a appris Philip, Adrian ne pourra pas sauver sa mère. Lady Handerson meurt donc avec sa demeure, ce qui sonne comme une belle réécriture de la chute de la maison Usher ! #joie J’ai eu les larmes aux yeux en assistant à la descente du chat par Adrian, puis aux escapades de sa fille qui a découvert la voix de sa grand-mère dans le puits … ce qui vient de me faire penser à la fin de Frankenstein. Lady Handerson est-elle encore dangereuse ? Ou n’est-ce que sa voix, son esprit, son âme (?) qui a survécu, qui hante les lieux, et qui s’attache à sa petite-fille ? Le mystère reste entier, et c’est très bien comme cela !

 

#ISBN9782211310239

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